Le produit scalaire n'est pas une spécialité géométrique qu'elle soit plane ou spatiale. Le produit scalaire est une notion qui va bien au-delà de ces deux ensembles. On la retrouve notamment dans l'exemple de cette page.


  

Au-delà de ce produit scalaire.
Nous l'avons déjà laissé entendre : cette forme que nous venons de manipuler n'est qu'un exemple de toutes ces formes bilinéaires symétriques. Pour conclure ce chapitre, nous allons donner un autre exemple de produit scalaire : un produit scalaire pour les fonctions continues sur un intervalle.

On appelle E l'ensemble des fonctions continues sur l'intervalle [0 ; 1].
Parmi celles-ci, il y a bien toutes les fonctions affines et polynômes, les fonctions sinus et cosinus ainsi que bien d'autres.
Par contre, la fonction inverse f(x) = ne fait pas partie de cet ensemble car elle n'est pas définie en 0. Alors pour ce qui est de la continuité...

Cet ensemble E est ce que l'on appelle un espace vectoriel sur . Cela signifie qu'il présente les propriétés suivantes :

Bref, tout cela pour dire que E n'est pas n'importe quel ensemble et que quand on y est, on y reste !

Le truc en plus : Si l'élément neutre de l'addition vectorielle est le vecteur nul, celui de l'addition des fonctions (celle qui sévit dans E) est la fonction nulle, c'est-à-dire la fonction f définie pour tout réel x par :  f(x) = 0. 

Sur cet ensemble E, on définit la forme suivante. Si f et g sont deux fonctions définies sur E alors ce que l'on notre S(f ; g) est le nombre réel définit par :

Nous avons défini une application ou une forme. Il s'agit de l'application S : E×E  .
A titre d'exemple, calculons deux produits.

Avec  f(x) = x   et   g(x) = x2 + 1. Avec  f(x) = sin(x)   et   g(x) = cos(x).

A chaque fois, c'est donc un simple (quoique) calcul d'intégrale...

Cette application S présente des propriétés que nous avons déjà rencontrées...

  1. Elle est symétrique.
    En effet, si f et g sont deux fonctions de l'ensemble E, on peut écrire que :

  2. Elle est bilinéaire.
    Pour toutes fonctions f, g et h continues sur l'intervalle [0 ; 1] et pour tout réel a, on peut écrire :

    S est donc linéaire vis-à-vis de la première variable : comprenez par là qu'elle laisse passer l'addition et la multiplication par un réel.
    Mais comme elle est symétrique, elle l'est aussi vis-à-vis de la seconde variable. En effet, nous avons là encore que pour toutes fonctions f, g et h de E et pour tout réel a :

    S(f ; a.g+h) = S(a.g+h ; f) = a . S(g ; f) + S(h ; f) = a . S(f ; g) + S(f ; h)

    Deux coups de symétrie et un de linéarité par rapport à la variable de gauche, et le tour est joué !
    Conclusion : S est donc une forme bilinéaire symétrique.

  3. Elle est définie et positive.
    Pour toute fonction f, on peut écrire que :

    Or l'intégrale d'une fonction positive (et c'est le cas ici car il y a un carré) est un nombre positif.
    Par conséquent, pour tout fonction f de l'ensemble E     S(f ; f) 0. 
    Donc S est positive !

    Il reste à montrer que S est une forme définie.
    Soit f une fonction continue sur [0 ; 1] (donc appartenant à E) telle que S(f ; f) = 0.
    Nous allons expliquer pourquoi alors f est nécessairement nulle. 

    Nous avons vu précédemment que :

    Autrement dit, S(f ; f) est l'intégrale d'une fonction positive c'est-à-dire de f2.
    Procédons par l'absurde : supposons que  f2 ne soit pas la fonction nulle, c'est-à-dire que pour tout réel x de l'intervalle [0 ; 1], f(x) 0.

    On appelle M le maximum de  f2 sur l'intervalle [0 ; 1].
    Par ce qui a été supposé, ce maximum M est nécessairement non nul.
    Comme la fonction f2 est continue, cela veut dire que graphiquement une portion de sa courbe est nécessairement au-dessus de l'axe des abscisses.
    L'aire comprise entre la courbe de f2 et l'axe des abscisses est donc par conséquent non nulle.
    L'intégrale de la fonction continue et positive f2 sur l'intervalle [0 ; 1] est donc elle aussi non nulle.

    Fonction continue et positive sur [0 ; 1]

    Comme S(f ; f) est non nul, c'est donc qu'il y a comme qui dirait, un problème. Ce que nous avons supposé était donc faux. Ainsi, si S(f ; f) = 0  alors nécessairement f est la fonction nulle.
    Conclusion : S est donc aussi une forme définie

Conclusion : l'application S est donc une forme bilinéaire symétrique définie positive : c'est donc un produit scalaire sur E. Car telle est la définition algébrique d'un produit scalaire.

Au début de notre aventure, nous avons défini le produit scalaire dans l'espace à partir de la norme de vecteurs.
Ayant un produit scalaire défini sur E en la personne de la forme S, il est désormais possible d'y construire une normeCliquer pour ouvrir et pour fermer en posant pour toute fonction f continue sur [0 ; 1] :

Ainsi par exemple, la norme de la fonction  f(x) = x  est-elle .
La norme de de la fonction cosinus est-elle égale à  + .

Tout cela pour dire que quand on a l'une, on a l'autre...
Ce produit scalaire fait de E un espace euclidien.


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