Vers la suite de Complexitudes Complexitudes 2/3 : géométriquement

 

 

Complexe et géométrie : module, argument et exponentielle complexe.
Un nombre complexe est formé de deux nombres réels. Or deux nombres réels forment un couple de coordonnées. Ainsi, si le plan est muni d'un repère orthonormé alors on peut repérer tout point par un nombre complexe qui lui tient lieu de coordonnées.

Définition de l'affixe.
On suppose le plan muni d'un repère orthonormé direct (O, , ).

Dire que le point M a pour affixe le nombre complexe z = a + i × b
signifie qu'il a pour coordonnées (a ; b) dans le repère (O, , ).

Cette approche complexe de la géométrie permet une plus grande efficacité quant aux calculs de coordonnées. En particulier, lorsque entrent en jeu les différentes transformations qui sévissent dans le plan.

Nous savons ce qu'est l'exponentielle d'un nombre réel. Cette notion peut être étendue à tout nombre complexe. C'est l'objet de ce qui suit.

 

  Définition de l'exponentielle complexe.
Pour tout réel , l'exponentielle du nombre imaginaire i est le nombre défini par :

A partir de cela, il est possible de définir l'exponentielle de n'importe quel nombre complexe.
L'exponentielle du nombre complexe z = a + i × b, est le nombre défini par :

Exp(z) = ez = ea+i b =  ea  ×  ei b  = ea ×  [cos(b) + i . sin(b)]

 

Ainsi par exemple :

Quelques remarques sur cette exponentielle complexe.

Les formules d'Euler : Avec précédentes définitions, nous connaissons l'expression de l'exponentielle de i en fonction des sinus et cosinus. En effet :
= cos() + i . sin()

Réciproquement il est possible d'établir des formules donnant sinus et cosinus en fonction d'exponentielle complexe. Pour cela, on utilise le fait que : 

= cos(-) + i . sin(-) = cos() - i . sin()

En additionnant ou soustrayant membre à membre nos deux égalités, on établit les formules dites d'Euler :

Comme nous le verrons par la suite, ces deux formules s'avèrent fort utiles lorsqu'il s'agit de linéariser des puissances de sinus ou de cosinus...

Pour les réels, il existe une fonction mesurant leur distance vis-à-vis de 0 : c'est la valeur absolue. Cette notion peut être étendue sur . On parle alors de module. 

Définition du module.
On appelle M le point dont le nombre complexe  z = a + i.b  est l'affixe.

Le module du nombre complexe z est le nombre réel positif noté |z| et égal à la distance OM. Ainsi :


Le module d'un nombre complexe est égal à la distance qui le sépare de 0. C'est la valeur absolue des complexes.

Quelques remarques sur ces définitions :

Dans un repère orthonormé direct, il existe deux manières de repérer tout point M.
On peut utiliser des coordonnées dites rectangulaires (x ; y). C'est le repérage classique. D'un point de vue complexe, cela correspond à l'affixe d'un point.
On peut également repérer un point par la distance qui le sépare de l'origine O et l'angle orienté que le vecteur fait avec le vecteur : on parle alors de coordonnées polaires.
Pour les nombres complexes, on parle de module, d'argument et d'écriture trigonométrique.
Voyons cela.

Si z est un nombre complexe non nul alors son module l'est aussi. Donc le nombre existe.

Le module de ce dernier est clairement égal à 1.
Le point N dont il est l'affixe, se situe donc sur le cercle trigonométrique.

On appelle une mesure de l'angle orienté ( , ).
Donc on peut écrire que :

On dit alors que le réel est un argument du complexe z.

De manière plus mathématique, on définit l'argument de la manière suivante.

Définition de l'argument.
z = a + i.b est un nombre complexe. On appelle M le point dont z est l'affixe.

Dire que le réel est un argument du complexe z  signifie que   = .

L'argument du nombre complexe z est une des mesures de l'angle orienté 
( ; ).
Comme les mesures d'un angle orienté, l'argument d'un nombre complexe est défini 2-près. On dit aussi modulo 2.

Ainsi si un de ses arguments du nombre complexe z est  alors :

z = |z| ×  [cos() + i. sin()]

Sous cette forme, on dit que le nombre complexe z est écrit sous sa forme trigonométrique. 

Quelques remarques sur cette définition :

Ces définitions sont certes très intéressantes mais elles ne disent pas comment il est possible de passer d'une écriture normale de complexe à une autre trigonométrique.
En fait si ! Voyons sur un exemple comment passer d'une écriture à une autre.

Un exemple : déterminons le module et l'argument du complexe  z = + i.
La première chose à faire est de régler le problème du module car nous disposons d'une formule pour le calculer. Ainsi :

Pour achever notre action, il ne reste plus qu'à factoriser par le module 2 et à voir...

+ i a donc module 2 et pour argument /3.

Dans le présent exemple, les choses s'arrangent bien mais c'est là une exception ...que l'on fait toujours en sorte de vous faire retrouver.

Pour conclure cette phase de définitions, nous allons aborder l'exponentielle complexe. Nous connaissions déjà sa version réelle. Voici donc son extension complexe.

 

 

Propriétés.
Pour pouvoir bénéficier de la puissance de l'exponentielle complexe, nous devons établir certaines propriétés. C'est l'objet de ce qui suit.

Vous aurez peut-être remarqué que la notation du module d'un nombre complexe est la même que celle de la valeur absolue d'un réel : deux barres verticales encadrant le nombre.
Il n'y a là rien d'anormal car le module d'un nombre réel est égal à sa valeur absolue.
En quelque sorte, le module prolonge à l'ensemble des complexes la valeur absolue qui est définie . Il présente donc les mêmes propriétés que celle-ci. Abordons-les !

Propriété : l'inégalité triangulaire.
Pour tout nombre complexe z et z'

|z + z'| |z| + |z'|

Remarque : "Le module de la somme est inférieur ou égal à la somme des modules".
C'est là une propriété que nous avons déjà rencontré dans . C'était avec la valeur absolue.
A l'instar de son aînée, le module n'est pas compatible avec la somme.
La preuve de cette propriété :
Pour prouver cette propriété, nous pourrions faire ce que nous avons fait pour la valeur absolue c'est-à-dire nous appuyer sur l'inégalité triangulaire version distance.
Mais cela serait trop facile. Nous utiliserons les propriétés du module.

Or nous savons que la partie réelle d'un nombre complexe est toujours inférieure ou égale à son module. Il vient donc que :

|z + z'|2 = |z|2 + 2.Re(z × ) + |z'| |z|2 + 2 × |z . | + |z'|2
|z|2 + 2 × |z| . || + |z'|2
|z|2 + 2 × |z| . |z'| + |z'|2  = (|z'| + |z'|)2

Les modules étant avant tout des réels positifs ou nul, on peut alors écrire que :

|z + z'| |z| + |z'|

D'où l'inégalité triangulaire pour le module complexe et pour les autres...

Le module définit sur l'ensemble des complexes ce que l'on appelle une norme, c'est-à-dire une application à valeurs réelles positives vérifiant :

Mais cela est une autre histoire...

Si il est incompatible avec l'addition (et donc la soustraction), le module comme l'argument laisse plus ou moins passer le produit et le quotient.

Propriétés : module, argument, produits et quotients.
Pour tout nombre complexe z et z'.
ModuleArgument
Pour le produit|z × z'| = |z| × |z'|Arg(z × z') = Arg(z) + Arg(z')
Pour le quotient
Remarque : "Le module du produit est donc égale au produit des modules". La valeur absolue est donc bien la digne continuation sur de la valeur absolue.
L'argument se comporte avec la multiplication et la division un peu comme le logarithme...

La conséquence pour l'exponentielle imaginaire est que pour tout réel et ' :

Des propriétés de l'exponentielle que nous avons déjà établies pour les réels et qui s'étendent à tous les nombres complexes.

La preuve de ces propriétés :
Pour démontrer ces propriétés, nous procéderons en deux phases. Dans la première, nous nous occuperons du produit. Dans la seconde, nous réglerons le cas du quotient.
Pour parvenir à nos fins, nous serons amenés à utiliser les propriétés des fonctions trigonométriques.
 
Le module.

Soient z et z' deux nombres complexes.

  1. Pour le produit.
    Nous savons que pour tout complexe z,   |z| = .
    Nous pouvons donc écrire que :

    Ainsi le module du produit est-il égal au produit des modules.

  2. Pour le quotient.
    Là encore, nous allons utiliser la propriété |z| = . Donc :

    Donc le module du quotient est égal au quotient des modules.

 
L'argument.

Soient z et z' deux nombres complexes. On appelle un argument de z et ' désigne un argument de z'.
On peut donc écrire que :

 z = |z| ×  [cos() + i. sin()]      et    z' = |z'| ×  [cos(') + i. sin(')]  

A présent, nous pouvons commencer la manoeuvre.

  1. Le produit.
    Intéressons-nous au produit z × z'. Cliquer pour en savoir plus...

    Donc l'argument du produit z × z' est égal à  + ' : c'est la somme des arguments de z et z'.

  2. Le quotient.
    Pour parvenir à nos fins, nous allons d'abord nous intéresser à l'argument de l'inverse de z.
    Nous pouvons le dire : le module de l'inverse de z est égal est égal l'inverse du module de z. Autrement dit :

    Justement, maltraitons cet inverse de z. Nous allons essayer de l'écriture sous sa forme trigonométrique.

    Donc l'argument de est égal à  -.
    L'opposé de l'inverse est l'opposé de l'argument...
    A partir de cette trouvaille, nous pouvons régler le cas de l'argument du quotient avec tout ce que nous savons.

    D'où ce que nous avancions, c'est-à-dire le théorème...

D'où le théorème...

Quant on laisse passer le produit, on est également compatible avec la puissance entière...
Ce sont les formules de Moivre.

Propriété : formule de Moivre.
Pour tout nombre complexe z et pour tout entier relatif n,
 
ModuleArgument
Pour la puissance |zn| = |z|nArg(zn) = n × Arg(z)

La conséquence de tout cela est la formule de Moivre.

[cos() + i. sin()]n = [cos(n × ) + i. sin(n × )]
 
ce qui s'écrit encore
 

C'est encore là une propriété connue de l'exponentielle réelle qui s'étend...

La preuve de cette propriété :
Il n'est point besoin de se lancer dans un raisonnement par récurrence pour prouver cette propriété.

Cette propriété est la conséquence logique de la précédente. En effet si z est un nombre complexe et n est un entier naturel alors on a que :

On comprend alors comment les choses concernant le module et l'argument vont et s'arrangent.

D'où la formule de Moivre.

Une des principales utilisations conjointes des formules de Moivre et d'Euler est la linéarisation des puissances de fonctions trigonométriques. Voyons cela sur un exemple.

Linéarisation d'une puissance d'une fonction trigonométrique.
Linéariser une puissance de sinus, de cosinus ou de tangente signifie l'écrire sous la forme d'une somme de sinus ou de cosinus. Pour cela, on utilise l'exponentielle complexe ainsi que les formules de Moivre et d'Euler.
Par exemple, linéarisons  [cos(x)]4.

Ce genre de calculs peut se faire à la main ainsi que nous l'avons effectué. Mais pour les paresseux, il existe des formules linéarisant n'importe quelle puissance sinus et cosinus. Celles-ci se montrent par récurrence.

Puissance pairePuissance impaire

La principale utilisation de la linéarisation est la recherche de primitive.
En effet, il n'y a pas de primitive évidente à [cos(x)]4.
Par contre connaissant sa forme linéaire, il est possible de dire qu'une de celle-ci est la fonction f définie par :

Une autre utilisation de ces propriétés et de l'exponentielle est la recherche de racine nième pour tout nombre complexe.

 

Racines nièmes.

Ce terme n'est pas une nouveauté. Nous en avons déjà parlé à l'occasion des puissances réelles.
Dans , seules les réels positifs admettent au moins une racine nième.
Dans , il en va différemment car tout complexe admet exactement n racines nièmes.
Voici cette histoire...

La théorie : Soit c un nombre complexe. On appelle r son module et son argument.
Ainsi :

c = r × (cos() + i sin()).

Pour tout entier k compris entre 0 et n-1, on appelle zk le nombre complexe défini par :

La puissance nième de chaque nombre zk est égale à z. En effet, pour tout entier k :

Ces complexes  z0, z1, .... et zn-1  sont les n racines nièmes de c.
Ainsi, lorsque c est différent de 0 :

  • L'équation zn = c  admet n solutions distinctes dans .
    Il s'agit de  z0, z1, .... et zn-1.
  • Le polynôme  zn - c est entièrement factorisable dans .
    Pour tout complexe z :
    zn - c = (z - z0) . (z - z1) . .... . (z - zn-1)

Pour les mémoires défaillantes, rappelons que l'équation  zn = 0 admet une seule solution en la personne de 0.

La pratique : les formules ci-dessus permettent de déterminer à moindre frais toutes les solutions de certaines équations voire de factoriser certaines polynômes. Voyons cela sur deux exemples :
  • Résolvons dans l'équation  z2 = 1 + i.
    Etant du second degré, cette équation admet deux solutions distinctes.
    Pour les déterminer, nous devons au préalable déterminer les module r et argument de .

    Pour le module :

    Et pour l'argument, on peut écrire que :

    Le module de 1 + i est donc et son argument /4. Par conséquent, ses deux racines z0 et z1 sont :

    Connaissant leurs arguments et modules, il nous est possible de placer les deux solutions de l'équation.
    On remarque qu'elles sont symétriques par rapport au point O.
    C'est toujours le cas avec les racines secondes d'un nombre complexe comme réel.
     
  • Les racines cinquièmes de l'unité : résolvons dans l'équation z5 = 1.
    Cette équation étant du cinquième degré, elle a autant de solutions que nous allons déterminer.

    1 est un nombre complexe dont le module est 1 et l'argument 0 (à 2-près). Les cinq racines cinquièmes de l'unité  z0, z1, z2, z3 et z4  sont donc  :

    On fait le tour du cercle trigonométrique en progressant à chaque bond de 2/5 radians.
      
    Le truc en plus : les racines nièmes de l'unité, c'est-à-dire l'ensemble des n solutions complexes de l'équation  zn = 1, forment ce que l'on appelle un groupe.
    C'est-à-dire si c et d sont deux racines nièmes de l'unité alors leur produit  c × d  en est une autre.
    De même si c est une racine nième de l'équation alors    en est aussi une autre...
 

 

Complexitudes 2/3 : géométriquement Vers la fin de Complexitudes

Cette page ainsi que la quasi-totalité des éléments et de la programmation qui la composent ou qui en dépendent, ont été conçus et réalisés par Jérôme ONILLON. Elle est exclusivement mise en ligne par la taverne de l'Irlandais.
(c) AMLTI Janvier 2001/Janvier 2003. Tous droits réservés.